L'agriculture verticale
Vous avez sans doute lu les nouvelles récentes : nous avons franchi le cap des
7 milliards d'êtres humains sur la Terre le 31 octobre. Bon, tandis que les petits prophètes de malheur continuent leurs diatribes sur l'impact environnemental de ce qu'ils appellent l'explosion démographique et de l'avènement imminent d'ères de famines, il n'en reste pas moins qu’à l'heure actuelle,
925 millions d’êtres humains manque de nourriture.
Quand l’on regarde les faits, le système économique actuel place plutôt ses priorités dans une consommation éhontée pour un faible pourcentage de la population mondiale et une production de biocarburants utilisant des
terres arables pour de l'éthanol. Cela est sans compter le rappel incessant de l'érosion des sols et bientôt le manque de terres arables pour l'agriculture. L'impact de ces pratiques pourrait augmenter alors que la population passera, selon les prédictions de l'O.N.U., à
9 milliards d'habitants en 2050. Une surface équivalente à celle du Brésil serait alors nécessaire pour nourrir tout ce beau monde.
Une économie de 30 à 60 % de nourriture serait possible en améliorant les systèmes de distribution de nourriture et en privilégiant la consommation directe aux humains. C’est le
ratio qui se gaspille chaque année, selon l’organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture – F.A.O..
L'impact néfaste de l'agriculture commerciale actuelle :
L'utilisation massive de pesticides et d'insecticides doit également être abordée, car ils
tuent peu à peu les insectes pollinisateurs — voir les débats sur les abeilles des cinq dernières années — et sont potentiellement
cancérigènes. L’exploitation massive des terres cause un appauvrissement et une érosion prématurée des sols et un accroissement de la désertification.
Mis à part ces « bonnes » nouvelles, comment peut-on régler d'un seul coup tous ces problèmes tout en embellissant notre environnement? Puisqu'on en parle, aussi bien démontrer que l'innovation humaine ne connaît que les limites imposées par sa propre créativité.
L'idée provient d'un géologue,
Gilbert Ellis Bailey, qui a publié en 1915 un livre sur « vertical farming ». Mais c'est
Dickson Despommiers, professeur de microbiologie et de sciences environnementales à la New York Colombia University, qui a été incontestablement le fondateur de ce récent mouvement. Parti d'une idée folle, comme il l'a décrit lui-même en 1999. Dans une de ses classes, il parlait de faire de l’agriculture urbaine sur les toits des immeubles.
Le mouvement a pris tel un feu de poudre et s'est répandu très rapidement dans le monde entier en moins d'une décennie. Il lance alors l'idée d'implanter le procédé entièrement à un immeuble de 30 étages. Des architectes se sont alors lancés dans la conception d'
éco-environnements, ou un cycle fermé de processus assure une utilisation intelligente des ressources. Dans un tel circuit fermé, rien ne se perd, rien ne se crée. Bien que l'idée ne soit encore qu'au stade expérimental, il existe actuellement six projets du genre :
- The Plant à Chicago
- Alpha farm à Manchester, qui sera la pièce de résistance pour l'exposition internationale de l'Angleterre en 2013
- Un laboratoire de recherche à Suwon, en Corée du Sud, disposé sur trois étages sinon, il reste plusieurs usines à légumes au Japon, ou des compagnies telles que
- Terrasphere,
- Aerofarms
- Valcent Verticrop.
D’une idée toute simple à l'origine a émergé ce que plusieurs appellent la prochaine grande révolution verte.
Ces essais n'en sont qu'à leurs balbutiements. Bien entendu, il demeure quelques obstacles sur la faisabilité d'un tel projet à grande échelle. Comme je le dis toujours, il suffit de combiner les savoirs actuels pour trouver les solutions aux problèmes.
Un des grands défis est l'alimentation électrique de telles structures. Selon certains calculs, cela prendrait huit fois la capacité des centrales électriques actuelles des États-Unis pour fournir la production lumineuse nécessaire à leurs besoins. Cependant, compte tenu des développements récents et progrès en matière de production d'énergie, il serait possible de fournir les besoins énergétiques d'un seul bâtiment grâce à des systèmes de
pyrolyse ou gazéification au plasma des déchets, tels ceux fournis par la compagnie
Terragon ou
Plasco Energy Group. Sinon, à moins qu'il n'y ait une révolution de l'énergie et qu'elle coûte moins chère et soit moins dangereuse à produire (voir centrales
nucléaires au thorium ou les réactions nucléaires à basse énergie —
LENR), cela risque de poser encore quelques défis.
De nouvelles avancées à l'
Université McGill concernant les lumières DEL permettent d'utiliser des spectres de différentes couleurs, pour stimuler la productivité des cultures tout en consommant 10 % de l'énergie des lumières actuelles.
De plus, les immeubles pourraient être construits avec le génie de la nature, tel qu'exposé par
Michael Pawlyn. Les fenêtres pourraient être très solides et économiques à construire par un nouveau matériau économique et écologique nommé l’
ETFE(2). Il s'agit d'une plaque de polymère pouvant être étiré sur une structure d'acier en trois couches et gonflée à l'air. Son coût est de 24 à 70 % moins à installer comparé au verre, supporte 400 fois son poids, est autonettoyant et recyclable. La lumière naturelle pourrait être ainsi maximisée, et ainsi limiterait l'utilisation de lumière artificielle.
Le volume de fruit et légume produit pourrait également être stimulé par une plus grande concentration de CO2 de l’ordre de 1200 ppm, augmentant potentiellement la croissance de 44 %.
Parlons maintenant des avantages, car ils sont légion :
- Nous parlons d'une production entièrement biologique et parfaite, 365 jours par année, sans pesticides et insecticides et ceci indépendamment des saisons.
- Nous parlons d'une commercialisation pouvant donner des milliers d'emplois dans les villes et une distribution locale et rapide de produits frais tout en limitant les dépenses de carburants fossiles.
- Nous parlons d'un rendement de 5 à 10 fois supérieur à celui de l'agriculture conventionnelle sur 10 fois moins de terrain.
- Nous parlons d'un procédé pouvant être implanté dans n'importe quel climat, peu importe le pays.
- Nous parlons d'une économie d'eau de l'ordre de 5 fois comparativement à l'agriculture normale.
- Bref, nous parlons d'un moyen de nourrir une population croissante, en bonne santé, tout en limitant l'impact environnemental de ce dernier.
Comme mentionné plus haut, tout serait pensé pour fermer le cycle de la consommation : de l'
hydroponie combinée à de l'
aquaculture, faisant l'élevage de plusieurs espèces de poissons tout en cultivant des laitues. Les déjections des poissons nourrissent les plantes en nutriments, l'eau étant également traitée, filtrée et recyclée. Les poissons seraient nourris grâce aux restes des cultures et des déchets des préparations dans les usines situées en dessous.
Un système de pyrolyse et/ou gazéification utiliserait les déchets non recyclables pour alimenter une partie du bâtiment en électricité, tout en récupérant de l’eau et autre matière. Un biodigesteur de biométhanisation pourrait aussi être utilisé pour prendre le relais avec les restes des usines de transformation des produits.
Des installations
aéroponiques pourraient maximiser l'utilisation de l'eau – utilisant seulement 10 % d'eau comparée à l'agriculture intensive — des cultures maraîchères, de tomates, de concombres, de tous les types de salades, d'épinards et de laitues ainsi que des herbes et des épices. Ils peuvent également faire le même traitement grâce à un système de compte-gouttes et de cultures verticales, distribuant l'eau directement aux racines, et s'égouttant à d'autres plateaux superposés.
Une utopie que tout cela? Les projets en vigueur ne sont que les premiers pas vers un avenir meilleur si l'idée continue de faire son chemin tel qu'elle l'a fait déjà. Il est possible de rendre de telles infrastructures viables économiquement tout en augmentant le niveau de la dignité humaine. Le potentiel de ces technologies n'est plus un rêve, mais bien une réalité. Penseurs du monde, vous pouvez encore trouver d'autres manières d'améliorer la vie pour tous, autant pour le genre humain que pour la biodiversité de la planète.
Vidéo résumant bien les possibilités:
Vincent Blanchette